vendredi 5 août 2016

Le Doubs de Avane à Dole

Il parait que l'aventure c'est affronter l'inconnu.

Pour moi ce premier voyage en kayak est donc bel et bien une aventure. Je n'ai jamais navigué sur le Doubs. Je n'ai jamais passé de barrage en kayak. Je n'ai jamais bivouaqué seul, et encore moins avec un kayak. Vous avouerez qu'il y a de quoi s'interroger.
Au départ je devais descendre le Doubs en amont de Besançon avec mon père. Mais après moult imprévus et changements météo, mon voyage s'est transformé en une balade de deux jours en solitaire entre Besançon et Dole.
 
Fort de mon année et demi d’expérience en kayak, je pars à la fois confiant et terrorisé.

- Le départ -

Le pont d'Avane


Il est déjà tard quand j'embarque à Avane, à la sortie de Besançon. J'aurais adoré commencer un peu en amont pour profiter de la vue sur les quais de cette magnifique ville, mais malheureusement les barrages qui jalonnent le Doubs à cet endroit sont trop compliqués à franchir avec un kayak chargé comme le miens.
Mon père me dépose donc au pied du pont métallique. Je charge le kayak, j'enfile mon gilet, et je me lance sur la rivière. Le ciel est gris, mais la météo n'annonce pas de précipitations pour les deux jours qui viennent.

Après quelques centaines de mètres je rencontre les premières renoncules aquatiques. Ces jolis tapis de fleurs aquatiques m'enchanteront tout au long de mon voyage.


Ces premières minutes à glisser silencieusement sur le Doubs effacent instantanément mes doutes et mes appréhensions sur ce voyage.

La rivière est-elle navigable sans danger tout du long ? Y aura t'il assez d'eau ? Comment vais-je passer les nombreux barrages sur lesquels je n'ai aucune information, sinon une image floue dénichée sur Google Earth ? Y a t'il des restrictions administratives qui m'auraient échappées ?...

Maintenant que je suis lancé, je n'ai pas d'autre choix que de faire confiance à mon bon sens et à la chance, pour que tout se passe bien.



- Mes compagnons de voyage -

Dès les premiers kilomètres je rencontre les premiers oiseaux emblématiques de mes navigations sur rivière. Les hérons, sentinelles des berges qui s'envolent gracieusement à mon arrivée. Les splendides martins pêcheurs, qui tracent un éclair bleu métallique dans l'air avant de disparaitre dans les branchages. Les cormorans, aussi habilles en plongée que maladroit à s'envoler. Les nombreux rapaces, les canard, les bergeronnettes qui semblent danser sans cesse, les petits gravelots qui arpentent les rives vaseuses d'un pas pressé à la recherche de quelques vermisseaux enfouis. Je croiserai même une jolie aigrette blanche et un trio de rapaces que j'identifie comme des circaèdes.
Les poissons sont plus discrets, mais j'en verrai beaucoup. Tantôt des bancs de milliers de minuscules alevins qui font frémir la surface de l'eau en s'enfuyant à mon approche, ou, au contraire, qui viennent se mettre à l'abri sous mon kayak quand je reste longtemps immobile. De nombreux gardons recherchent avidement à manger quelques miettes de pain que je leur lance durant mes casse-croute. Les goujons viennent fouiller à la recherche de quelques nourritures dès que j'agite le fond de l'eau en marchand. Les petits vairons s'agitent dans les remous des barrages dont je trouble l'eau claire de mes pas. Je croiserai aussi des truites, qui filent rapidement dans les eaux claires. Quelques carpes débonnaires fracassent la surface de l'eau d'un coup de queue quand je les dérange dans leurs siestes. Cependant je n'ai pas vu les grand maîtres carnassiers de la rivière : le brochet et le gigantesque silure ne s'exposent pas facilement aux regards des passants. Ils vivent tapis dans les herbiers ou sur les fonds vaseux, à l'affut de toutes les proies qui pourraient combler leur appétit.
Une demoiselle blessée
Enfin, on ne peut pas terminer la liste des rencontres sauvages sans citer les innombrables libellules et demoiselles qui virevoltent au bord de l'eau. Toutes plus jolies les unes que les autres, elles sont cependant très sauvages. Parfois l'une d'elle s'approche pour se poser sur mon bateau, mais au dernier moment elle se ravise et continue sa route. Les mouvements inhabituels du kayak doivent leur mettre la puce à l'oreille. Je sauve cependant l'une d'elle de la noyade et je la garde sur mon kayak d'où elle ne bougera plus. Sans doute blessée, je la retrouverai morte le lendemain matin.

La rivière est un formidable réservoir de vie, mais il faut savoir l'aborder discrètement et patiemment pour qu'elle dévoile ses trésors.

- Premiers rapides -
J'arrive vite sur les premiers rapides. Rien de monstrueux, mais quand même largement de quoi me renverser. Mon manque d’expérience en eau vive, mon bateau inhabituellement chargé, et ma solitude, me dictent une extrême prudence pour les aborder. Là où je serais passé sans m'arrêter dans une sortie entre amis, je prends le temps de débarquer pour repérer la trajectoire la plus sûre. Le kayak étant très bas sur l'eau, je vois mal à quoi ressemble la rivière quand la pente s'accentue. J'ai donc pris l'habitude de me mettre debout sur la berge chaque fois qu'il faudra choisir une trajectoire.
Finalement tout se passe bien, je passe les rapides sans encombre, et je continue ma route.
- Il y a deux rivières -
 
Le canal rejoint alors la rivière où je navigue. Je quitte donc une section "sauvage" et je navigue désormais sur une partie "navigable". Tout mon parcours ne sera qu'une successions de ces deux types de rivières. Parfois de grands boulevards bien propres et balisés, parfois, quand les bateaux à moteur quittent le cours naturels pour emprunter des canaux, la rivière devient tortueuse, riche en plantes aquatique, et en hauts-fonds de graviers où pullulent les poissons.

Le Doubs sauvage

C'est bien entendu les parties sauvages qui sont les plus belles.













- Le premier barrage ! -


Premier barrage. Il y aura beaucoup d'autres.

J'arrive alors à mon premier barrage, à Montferrant le Château. Le canal quitte la rivière par la gauche pour emprunter un tunnel, tandis que le Doubs continue sa route tout droit pour faire le tour d'une colline boisée.
Un appréhension me taraude. Vais-je pouvoir passer ? Si non, mon voyage s’arrêtera là, seulement quelques kilomètres après avoir commencé !
Le bruit de la chute d'eau s'amplifie à mon approche. Je ne distingue rien d'autre qu'une rupture de la surface du Doubs. J'imagine un obstacle impressionnant. J'approche à faible allure, en longeant la berge. J'ai peur de me faire emporter par le courant dans un tourbillon mortel. Je débarque prudemment à quelques mètres du barrage,... et je constate avec le sourire que la terrible chute n'est qu'un mince filet d'eau qui dévale une pente douce et moussue. Il n'y a pas d'autre danger que de se tordre une cheville en glissant sur les pierres mouillées.

Je fais glisser mon bateau le long de la rampe, en le retenant par un long bout attaché à la poupe. Il glisse doucement entre les rochers, et je le suis à pied. J'embarque à nouveau au pied du barrage, quand le niveau d'eau me permet de naviguer.
Tout s'est bien passé, me voilà rassuré pour la suite, car de nombreux barrages similaires m'attendent.
La zone qui suit les barrages est toujours magnifique. 
Après le barrage
Château de Thoraise
On y trouve généralement de nombreux ilots en graviers blancs, entre lesquels serpentent des petits bras d'eau qui finissent par se rejoindre pour reformer la grande rivière. Les petits poissons y trouvent refuges en abondance. La végétation y est luxuriante, aussi bien sur les berges que dans l'eau.




 

Je poursuis, puis je fais une pause photo à côté du château de Thoraise qui surplombe la rivière.
Je décide de prendre mon déjeuner sur un îlot après un second barrage, en face du château de Torpes. L'endroit est magnifique, et désert.
Après avoir englouti un un Bolino et un morceau de pain, je m'accorde une courte sieste allongé sur les graviers. Ces premières heures ont effacés mes craintes sur ce voyage, je suis maintenant complètement serein.


Face au château de Torpes
 
Pause déjeuner après le barrage de Torpes

- La solitude -
 
Seul au monde
 Je n'ai croisé qu'un seul bateau de plaisance depuis mon départ. Et au final je n'aurai pas vu grand monde. Trois ou quatre bateaux de plaisances avec qui j'échange un rapide bonjour. Quelques cyclistes voyageurs le long de la rivière, qui me saluent amicalement. Et parfois un bonjour discret des rares pêcheurs.
Le calme et la solitude furent mes compagnons durant ce voyage. A l'époque des réseaux sociaux omniprésents et de la communications à outrance, cette déconnexion est aussi inattendue que troublante. Je pensais arpenter une rivière "habitée", mais je me retrouve loin de tout à seulement quelques hectomètres des habitations et des routes. Sans une carte précise, je traverse parfois des villages sans même savoir comment ils s'appellent. J'ai perdu le réseau téléphonique pendant plusieurs kilomètres. Et même le GPS de mon smartphone s'est mis en vacance, faute de pourvoir se caler précisément sur les réseaux téléphoniques.
J'aime la solitude, elle fait partie du plaisir que je ressens dans le kayak. Mais la frustration est grande de ne pas pouvoir partager ces heures magiques avec d'autres personnes. C'est pour ça que je m'applique à prendre des photos et décrire le plus précisément possible mon voyage, pour mieux le partager.
"Le bonheur n'est réel que quand il est partagé".
- Le canal : mauvais choix - 

Après Boussière j'aborde un barrage compliqué.
Contrairement aux autres, il coupe la rivière perpendiculairement, ce qui réduit sa longueur et augmente mathématiquement la force du courant. Il est bordé à gauche par une usine, et à droite par l'entrée du canal. Je m'en approche sans pouvoir débarquer, et je remarque qu'il a une pente raide et longue.
J'ai peur de risquer sa descente. Alors finalement je décide d'emprunter le canal.
L'entrée du canal du Rhône au Rhin

Mauvaise idée.

J'aime l'ambiance du canal. Il est jalonné de murs, de ponts, et d'écluses dont l'architecture austère me plonge au début du XIX ème siècle, quand les marchandises parcouraient la région en péniches tractées par des chevaux de traits (des chevaux comtois forcément !).
Le canal est longé par une véloroute qu'empruntent de nombreux voyageurs. Je ne croise cependant pas un seul bateau, et rapidement je me lasse de sa monotonie.
Dans le canal
A un moment la carte m'indique que je suis juste à côté du Doubs sauvage. Je débarque difficilement le long des berges abruptes en laissant mon kayak amarré. Effectivement, le Doubs n'est pas loin. Une dizaine de mètre à vol d'oiseaux... mais aussi une dizaine de mètres plus bas en altitude ! Un mur impressionnant me sépare de la rivière. Sur la carte c'était proche, mais en réalité il est impossible de sauter le pas. Je suis condamné à poursuivre sur le canal.

J'arrive à une écluse, fermée.
Écluse fermée. On ne passe pas !
J'étais persuadé que toutes les écluses ont des rampes adaptés au kayak, mais non, il s'agissait juste de quelques aménagement pour les parcours labellisés "Eco-Canoé". 
Ici je suis coincé sur le canal, sans pouvoir avancer ni débarquer. Le chemin de halage est bien trop haut pour que je puisse y hisser mon embarcation.
Il me faut trouver une solution...
J'amarre alors mon bateau et je grimpe à une échelle de service de l'écluse. Par chance j'aperçois un employé des VNF (Voies Navigables de France) qui termine de faucher l'herbe des berges. Je lui demande comment je pourrais passer. Il me répond avec un magnifique accent franc-comtois:
- "Ah mais là vous pouvez pas, l'écluse est interdite aux kayak ! Z'auriez dû prendre le Doubs."
- "Ben oui, mais j'ai pas osé passer le barrage"
- (petit sourire du gars) "C'est vrai qu'il peut faire peur... Bon ben revenez un peu en arrière, il y a un coin aménagé par des gamins pour pêcher à 200m. On va débarquer votre kayak là, et puis je vous aiderez à le remettre à l'eau plus loin... Mais vous z'avez pas fini d'être embêté. Il vous reste encore plusieurs écluses à passer, et cette fois je ne serai pas là pour vous aider.".
Nous débarquons donc mon bateau, nous dépassons l'écluse, et nous le remettons à l'eau 100 m plus loin.
Je remercie chaleureusement le monsieur, et je repars. 
La prochaine écluse est dans plusieurs kilomètres, j'ai bien le temps de trouver une solution d'ici là...
Effectivement, après de longues minutes de navigation plus ou moins monotone, j'arrive dans une zone ou les berges sont moins hautes. Je débarque et hisse péniblement mon kayak sur le chemin de halage.
Marre du canal. Je sors !
Le Doubs coule toujours juste à côté, mais il n'y a plus qu'un talus boisé assez court qui m'en sépare. C'est décidé, je vais le rejoindre !
Séquence défrichage : Je m'ouvre un passage entre les orties et les ronces à grands coups de pagaie (costaude la Select X.One !). L'endroit où j'ai choisi de passer est peu boisé. Je glisse mon kayak sur la berge enherbée, puis je le bascule tant bien que mal dans le talus en tentant de le retenir pour qu'il ne glisse pas d'un coup. Ca frotte, ça coince, ça force un peu, je me griffe aux ronces et je me pique aux orties, mais finalement le bateau atterrit dans la rivière. Je suis enfin revenu sur le Doubs !!
Kayak dans les bois... C'est compliqué !

J'ai embarqué juste après le barrage entre Osselle et Routelle. Je remonte un peu le courant pour constater qu'il se passe bien à pied.

Cette petite escapade dans le canal m'a couté une belle partie de sauvage de la rivière.
Promis juré, plus jamais je ne l'emprunterai !




- Le bivouac -
Je continue ma descente du Doubs. Le canal finit par déboucher sur ma droite, bien plus loin d'où je l'ai quitté avec fracas.
De retour sur le Doubs !

S'ensuit une interminable ligne droite monotone, où j'affronte un vent de face démoralisant.
Et puis le vent se calme. La surface de l'eau devient un miroir qui noirci avec la lumière du soir. Déjà le soleil se cache derrière les plus hautes collines.


 
 
Le soir arrive
Entre Roset-Fluant et Saint Vit J'avise 
une petite plateforme sur la rive boisée qui domine la rive gauche. Juste à côté de ce replat, un affleurement rocheux forme une plage bien propre où je peux débarquer. L'endroit est désert, loin de tout, dans les bois, avec juste un petit chemin qui longe l'eau. La piste cyclable de la rive opposée est très fréquentée, mais de ce côté-ci de la rivière je suis sûr de ne pas être dérangé.
Le bivouac est prêt
Réveil en douceur
Je décide que c'est l'endroit idéal pour bivouaquer.
Je hisse mon bateau sur la berge. Je dégage quelques branches mortes, puis j'installe ma tente au bord de l'eau. Un brin de toilette dans la rivière, un repas frugale, un coup de fil à ma famille, un petit point carte pour demain... et je rejoins doucement les bras de Morphée à
l'heure où le soleil disparait.

 









 Je suis réveillé vers 6h du matin par les premiers cris d'oiseaux. Ce sont les corneilles qui ouvrent le bal, et puis, petit à petit, chacun leur tour, d'autres oiseaux répondent à l'appel. Pour finir c'est un concert de chants qui animent la forêt. Juste sous ma tente j'entends parfois un poisson qui agite l'eau en gobant les insectes matinaux. Le soleil n'est pas encore là, mais déjà la rivière prend une couleur rosée en refllétant le ciel. Un légère brume couvre la surface de l'eau lisse comme un miroir. Et puis le soleil apparait enfin et enflamme le feuillage des arbres qui m'entourent.
Le soleil se lève.

Je farniente un peu au lit en profitant de cet instant magique. La journée s'annonce superbe. Je partage un frugale petit déjeuner avec les gardons qui se battent pour les miettes de mes biscuits secs. Mais bientôt un groupe de perches arrive et chasse tous ces poissons. J'ai oublié de prendre du café, alors je me contente d'un verre d'eau.
Je range le bivouac dans mon bateau, et j'embarque pour une longue journée.
Départ matinal, un peu avant Saint Vit

L'eau est un miroir

- Départ en douceur -
Après un faux départ à cause d'une énorme limace et d'une araignée des bois qui jouent les passagers clandestins et que je dois débarquer, je pars sur la rivière. Mon bateau glisse sans effort sur le miroir de l'eau dans une lumière magnifique.
Le barrage de Saint Vit


Après le barrage de St Vit


Après le barrage de St Vit


J'arrive à hauteur de Saint Vit. C'est un port de plaisance important, mais je n'en verrai rien car je franchi un barrage avant de rentrer dans le village. La zone qui suit le barrage est magnifique. Je navigue dans des canaux couverts de renoncules et bordés de vieux saules aux troncs torturés.
Barrage de Fraisans
A Fraisans j'arrive sur un immense barrage.Je le descend à pied, à côté d'une passe à poisson. La manoeuvre est un peu plus périlleuse que d'habitude, car par endroit le courant est assez fort. Mais finalement tout se passe bien.
Plus loin sur la rive j'aperçois des voitures immatriculées 39, j'imagine que je suis maintenant rentré dans le département du Jura.
Les bords du Doubs sont souvent couverts de grandes zones de nénuphars. Je crois n'en avoir jamais vu sur le Rhône ou le Verdon (mes deux rivières de référence). C'est très amusant de naviguer sur ces larges feuilles où viennent se cacher beaucoup de poissons et d'amphibiens. Seulement ça n'est pas facile de planter sa pagaie dans l'eau.
Pont à Saint Vit




- Un petit goût sauvage -

A Ranchot je passe le barrage sans encombres, puis je m'engage dans ce qui sera la plus belle portion de rivière de ce voyage. Tout d'abord je longe une zone peu profonde sur un fond de graviers, bordée de pâturage. Les troupeaux de vaches ont formé des plages bien tondues où prospèrent d'immenses saules qui forment des ombrages où les troupeaux se prélassent en ruminant. Ensuite j'entre dans une zones de gravières où la rivière semble chercher sa route. L'eau est limpide, la végétation du bord est plus sauvage, et quelques truites filent à grande vitesse à mon passage.
Ravitaillement en produits frais

 

Naviguer dans les nénuphars
- La punition -
Ce moment de bonheur n'est malheureusement pas éternel. Après un passage de barrage suivant je rejoins la partie navigable du Doubs. Et là c'est la punition. Une ligne droite interminable s'ouvre devant moi. Un vent de face soutenu. A droite : une haie opaque me bouche la vue. A gauche : une départementale où les camions se suivent par dizaines.
J'ai souvent connu ces moment quand je faisais du vélo. Dans ce cas il faut juste débrancher le cerveau et pagayer en pensant à autre chose.
Finalement j'atteins Orchamps, et je retrouve le charme de la rivière.






- Premiers touristes -

Je laisse un premier barrage presque à sec sur ma gauche, et je vais descendre un peu plus loin sur un plus grand.
Pause à Orchamps

Le barrage d'Orchamps

Arabesques écumeux
Un cloché Comtois, au loin.
Mais avant cela je fais une pause déjeuner sur une plage de graviers.
J'avais prévu juste ce qu'il faut de nourriture pour tenir deux jours, mais j'ai été un peu avars avec l'eau : 4 litres d'eau pour deux jours, c'est trop peu. Ma gourde est presque à sec.
Après le barrage je rencontre mes premiers groupes de baigneurs. Quelques familles ont investi les bords de la rivière. Des enfants s'amusent dans le courant sous le regards inquiet des maman. Les papas taquinent le gardon un peu plus loin. Des ados profitent du charme de l'endroit pour consulter leur téléphone portable. J'entends crier "ho regarde maman, un canoë !".
Mais déjà le courant me pousse loin de cette relative agitation. Je double un jeune couple qui semble galérer dans un kayak gonflable. C'est le seul kayak que je verrai durant ce périple.






- Le début de la fin -
 

Après réflexion j'ai décidé de pousser jusqu'à Dole. La fatigue commence à se faire sentir. J'ai de plus en plus soif. Mais le moral est encore bon, je devrais y arriver sans problème.

A Moulin Rouge le canal rejoint la rivière. J'avais repéré un barrage sur la gauche, mais il est complètement à sec. Alors je décide d'aller voir le suivant. Il n'est pas très pentu, mais il présente une marche d'environ un mètre de haut. Une enième fois je fini par le passer sans encombre et je poursuis ma route.
Barrage en aval de Moulin Rouge

A l'approche de Rochefort sur Nenon plusieurs bateaux de touristes sont amarrés en attendant je ne sais quoi. Les marins d'eau douces se prélassent sur le pont ou invitent leurs voisins à venir boire l'apéro. Ils me saluent poliment, mais j'ai le sentiment de ne pas être du même monde qu'eux. Je n'arrive pas à comprendre le plaisir de ne rien faire pendant des heures à l'arrière d'un bateau trop petit. Ils ne doivent pas comprendre le plaisir que j'ai à me casser le dos, les bras et les fesses pendant des heures sur un bateau trop petit. Mais l'important est que nous nous respectons.
- Enfin l'arrivée ! -

Je passe mon dernier barrage sous les yeux des marins d'eau douce, tandis qu'un gros bateau sort de l'écluse voisine en klaxonnant comme un paquebot qui débarque dans un port.
Dernier barrage !

Après le barrage je croise encore des familles qui profitent des plages. Ici point de tourisme de masse et de plages bondées. Ce sont juste quelques familles qui viennent profiter de la rivière sans la dénaturer.
Je suis dans la dernière portion sauvage avant Dole. Je rame depuis plus de 8h, je suis déshydraté, et je commence à me tortiller pour trouver une position qui soulagera mon dos et dégourdira mes jambes. Le passage de deux petits rapides me distrait un peu et me redonne un brin d'élan.
Après des heures de silence radio, je retrouve un peu de réseau téléphonique pour appeler mon père et lui demander de venir me chercher à Dole.
J'arrive dans les  faubourg de la préfecture du Jura. Quelques maison bourgeoises, un peu surannée, bordent le Doubs. Au loin j'aperçois le clocher de la magnifique collégiale Notre Dame de Dole.
Je longe un interminable barrage, mais celui-ci je ne le descendrai pas. Je prends la direction du port qui est au centre de la ville.
Sur une petite plage publique, plus ou moins aménagée, de nombreux baigneurs me regardent passer.
Péniche le long du quai à Dole


Je longe quelques péniches délabrées où semblent vivre des baba-cools sur le retour. Et puis tout devient propre, net, presque bourgeois. J'arrive dans le port de plaisance. D'un côté des bateaux rutilants bien rangés, de l'autre un quai où l'on peut louer des canot en bois électriques pour 35€ de l'heure.
Je hisse péniblement mon kayak sur le quai, face à la collégiale. Je me commande un Coca bien frais à la pizzeria sur pilotis, et je me pose sur un banc en attendant mon chauffeur.
Je repense à ce voyage. il n'a duré que deux jours, mais j'ai l'impression d'avoir quitté la civilisation pendant des semaines.
Dole. La collégiale Notre Dame
Le parking, la pizzeria, les cyclistes urbains qui passent devant moi avec un casque sur les oreilles, les touristes qui inspectent mon bateau... tout cela me semble tellement familier, mais tellement lointain de ce que je viens de vire.

Promis, j'y retournerai.









Post scritum :
Renoncule aquatique

La renoncule aquatique (Ranunculus aquatilis) est une plante herbacée qui forme des tapis denses sous la surface. Ses longues tiges forment d'interminable arabesques qui oscillent au gré des courants lents de la rivière. Des milliers fleurs émergent de l'eau et couvrent la surface d'un tapis blanc irréel.

Le Doubs est diversement navigable en kayak depuis sa source à Mouthe, jusqu'à se qu'il se jette dans la Saône à Verdun sur Doubs. Il est d'abord une petite rivière tranquille jusqu'à la cascade du saut du Doubs, il se transforme ensuite en un torrent parfois impétueux, tantôt suisse, tantôt français. Puis il redevient calme.
Il est très aménagé pour la navigation de plaisance dans son cour inférieur. Pour nous autres humbles kayakistes, rien n'est vraiment pratique. Excepté quelques débarquements/embarquements "bricolés" aux abords de certaines écluses, il présente de nombreux barrages et des sections de canaux qui ne sont malheureusement pas prévus pour le kayak.
Durant mon périple le débit était d'environ 20 m3/s. J'ai passé -presque- tous les barrages à pied, mais j'ignore jusqu'à quel débit cela est possible sans danger.

Mon matériel.
Mon expérience de l'itinérance est ridicule, mais j'ai cependant quelques matériels qui m'ont marqué par leur qualités.
- Mon réchaud Camping-Gaz Rando 360. Je crois qu'il ne se fait malheureusement plus, mais c'est un bijou de compacité et de simplicité. Il tient avec sa charge de gaz, un pare-vent, un manche de casserole, et un briquet, repliés dans la gamelle.
Camping Gaz Rando 360


- Mon matelas gonflable Therm-a-Rest.
Il m'a couté un oeil, mais je ne le regrette pas. Il fait 6,5 cm d'épaisseur, pour un volume ridicule quand il est dégonflé. Il assure un bon confort, même sur des terrains rocailleux. Il est réputé solide et durable. Seul bémol : il fait beaucoup de bruit quand on se tourne dessus. C'est embêtant quand on dort à deux dans la même tente ;-)

- Mon kayak Perception Expression 14.
L'Expression 14. Chargé comme une mule, mais toujours vaillant


Plus je l'utilise, plus il me plait ce kayak !
Pour un prix modique (700€ d'occasion), j'ai acquis une petite merveille. Il a déjà fait ses preuve en se montrant sécurisant sur une mer formée et sur le Léman agité. Il affronte le vent avec une facilité déconcertante. Pas trop grand (14 pieds) ni trop lourd, il reste très maniable dès qu'on relève la dérive, mais il glisse bien droit et sans effort quand on décide d'avancer vite. Il n'est jamais fatigant, toujours stable. Même chargé comme une mule, son caractère ne change pas. 
Vu la quantité de bord... que j'ai réussi à rentrer dans ses cales, j'ai maintenant la certitude qu'il est un bon compagnon pour voyager loin.
C'est vrai que je rêve parfois de lui faire des infidélités avec un magnifique bateau en fibre, racé et performant. Mais j'ai bien peur qu'aucune de ces merveille ne résisterait aux mauvais traitements que je fait subir à mon bout de plastique.
Son seul défaut ? La couleur blanche sur la proue à tendance à "cramer" les photos en plein soleil ;-)
Bref je l'aime mon Expression !

Pour le reste j'ai navigué sans jupe, pour éviter la surchauffe, et je n'ai eu aucune invasion d'eau dans l'îlot. Je ne portais pas de chaussures, pour laisser "respirer" mes pieds, sauf pour les manoeuvre à pied où j'enfilais mes chaussons néoprène. J'ai un peu souffert des talons sur la fin du périple. Je crois que je vais me bricoler une paire de mousse à glisser sous mes talons.
J'ai enlevé mon dosseret haut il y a un moment, et je l'ai remplacé par un bricolage à base d'un vieux baudrier d'escalade. Sur la fin du parcours, avec la fatigue de plus de 8h de pagayage, j'aurais apprécié un peu plus d'appuis lombaires.

4 commentaires:

  1. S.U.P.E.R.B.E!!!!!!!
    Je viens de tout lire d'un trait et je me suis régalé!!!
    Belle plume, comme d'hab!!!! Et les photos qui l'accompagnent superbe. J'adore leurs tons légèrement froides et verdâtres qui accentuent le sentiment d'être dans une nature vierge et loin de tout.
    J'ai hâte de te revoir pour que tu m'en dises un peu plus sur ces seuils terrifiants, mais que tu as réussi à passer sans encombres. Ca commence a faire un petit bout de temps que je me tâte à faire glisser mon kayak dans le coin.
    Pour la flotte, je te confirme, 4L c'est un peu juste, après, si le Doubs n'est pas trop pollué, tu peux compenser avec un filtre et des comprimés pour rendre l'eau pure (Rikou en connaît un rayon).
    En tout cas, chapeau, et respect pour ton courage, car un périple de deux jours, seul, sans avoir fait de repérages, je n'aurai probablement pas osé.
    Merci de nous avoir fait partagé cette aventure!!!!

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  2. Bonjour.
    Belle escapade, belle narration ! Nous sommes voisins et nous ne nous connaissons pas. Je navigue seul avec les mêmes centres d'intérêts que toi. Pourquoi ne pas faire connaissance et naviguer ensemble ?
    Ton parcours semble très agréable, je suis partant !
    Thierry. alias "Le point lumineux".

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    1. Salut Thierry. Merci pour le compliment.
      Je serais très heureux de naviguer avec toi à l'occasion.

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  3. Merci Tom pour ce très bel article.
    Ca donne envie, c'est bien écrit, et j'ai même appris que toutes les libellules n'étaient pas des libellules !
    Didier

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